« Au Cameroun, la diplomatie française défend les intérêts d’une élite prédatrice »

La chercheuse Marie-Emmanuelle Pommerolle réagit après que le Quai d’Orsay a adressé « ses vœux de réussite » à Paul Biya, réélu à la tête du pays.

Emmanuel Macron se targuerait de ne pas serrer la main aux chefs d’Etat à la réputation électorale douteuse en Afrique centrale. Il laisse à la manœuvre la bureaucratie diplomatique, qui n’hésite pas à adresser « ses vœux de réussite » au président camerounais, Paul Biya, pour son nouveau mandat, le septième.

Au nom d’une politique africaine rénovée, la France n’aurait pas de leçon à donner à ses partenaires africains. Certes, mais elle pourrait avoir un minimum de respect pour les citoyens de ce continent. Car derrière l’affichage, les pratiques diplomatiques et leurs effets restent identiques : le message envoyé au président Biya est un modèle du genre. Quand le département d’Etat américain dit avoir « constaté un certain nombre d’irrégularités avant, pendant et après les élections du 7 octobre », le Quai d’Orsay omet de mentionner l’étendue inédite des contestations légales des résultats du scrutin.

Tout en « regrettant que de nombreux Camerounais n’aient pu exprimer leur choix », il ose évoquer un « climat apaisé » et « calme », alors que deux régions sur dix sont ravagées par un affrontement armé entre des milices sécessionnistes anglophones et l’armée camerounaise depuis près d’un an. Et sa réitération de l’attachement de la France à la stabilité du pays est une vieille antienne qui a justifié le soutien de l’ancienne tutelle coloniale aux deux seuls présidents qu’a connus le pays depuis son indépendance.

Vieux réflexes de la Françafrique

Car la politique africaine de la France a beau se moderniser, l’histoire de la France en Afrique centrale, et au Cameroun en particulier, continue de hanter les relations entre ces deux pays et leurs citoyens. La répression du mouvement nationaliste – dont la mémoire n’a jamais été soldée –, le soutien au régime alors qu’il était menacé par l’opposition en 1992, le silence face aux divers épisodes de répression (en 2008, par exemple, mais aussi vis-à-vis des leaders anglophones enfermés depuis dix mois sans avoir vu leurs avocats) attestent auprès de nombreux Camerounais du soutien jamais démenti de la France à un régime désormais honni par beaucoup. Les vieux réflexes de la Françafrique se transmettraient-ils donc de génération de diplomates en génération de diplomates?

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Louise Mushikiwabo prend la tête de la francophonie

À 58 ans, la ministre rwandaise des affaires étrangères Louise Mushikiwabo a pris la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), vendredi 12 octobre.

Dakar, janvier 2015, 15e sommet de la Francophonie. Le président François Hollande met en garde « les dirigeants qui voudraient s’accrocher au pouvoir à tout prix ». La salle applaudit. Mais pas la ministre des affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwabo.

Invitée sur France 24, le lendemain, elle dénonce le paternalisme du président français vis-à-vis des Africains, trouve « gênant » de l’entendre « dicter ce qui devrait se passer dans leur pays ». « Qui décide de l’avenir politique des Africains ? », s’interroge-t-elle, avant de trancher : « Ce n’est pas Paris qui décide, c’est évident. »

Un coup d’éclat contre François Hollande qui l’a fait connaître bien au-delà du Rwanda

En quelques phrases, Louise Mushikiwabo exécute le président français, applaudie sur les réseaux sociaux et avec l’assentiment d’une grande partie de l’Afrique. Ce coup d’éclat l’a fait connaître bien au-delà des frontières du Rwanda et lui a attiré bien des sympathies dans les palais présidentiels du continent.

En toute logique, quatre ans plus tard, l’Afrique se range derrière sa candidature pour prendre la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Réunie à Erevan, l’OIF a nommé Louise Mushikiwabo secrétaire générale de l’organisation, vendredi 12 octobre.

Aux yeux de biens des leaders africains, des milieux d’affaires, elle incarne à merveille la nouvelle Afrique : décomplexée, entreprenante, dynamique, tenant la dragée haute à l’arrogance des anciens colons. Un programme auquel Emmanuel Macron souscrit depuis son arrivée à l’Élysée.

Née en mai 1961 à Kigali, Louise Mushikiwabo a été la témoin et la victime du racisme anti-tutsi du jeune État indépendant. Cadette d’une famille de neuf enfants, elle a suivi des études d’anglais avant de décrocher une bourse pour étudier aux États-Unis où elle se rend en 1990.

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