A l’ONU, le Burkina demande « une coalition internationale » antiterroriste pour le Sahel

Face à la détérioration rapide de la sécurité dans la région, la Force G5 Sahel a demandé au Conseil de sécurité « la même détermination qu’en Irak et en Afghanistan ».

La lutte contre le terrorisme et la criminalité au Sahel « est une responsabilité collective » et « il est temps que la communauté internationale envisage la création d’une coalition internationale », a affirmé, jeudi 16 mai, au Conseil de sécurité le chef de la diplomatie du Burkina Faso. Ces fléaux doivent « être traités avec la même détermination que celle qui a prévalu en Irak et en Afghanistan », a estimé Alpha Barry, qui s’exprimait au nom des cinq pays membres de la Force G5 Sahel (Burkina, Niger, Tchad, Mauritanie et Mali).

« Les Etats membres du G5 Sahel n’y arriveront pas tout seuls », a insisté le ministre, en évoquant « une lutte pour [leur] survie » et en rappelant les événements de ces dernières semaines : prise en otages de Français, assassinats dans des églises, décès mardi de 28 soldats nigériens. Au Sahel, « les groupes terroristes (…) restent toujours forts et (…) partout la menace gagne du terrain », a estimé le ministre burkinabé. Alpha Barry a aussi réclamé à la communauté internationale d’afficher « une position claire quant à la résolution de la crise libyenne », alors que le pays « reste un sanctuaire d’incubation »pour des « terroristes et criminels de tout ordre ».

Secrétaire générale adjointe de l’ONU pour l’Afrique, Bintou Keita a aussi considéré que « la Force conjointe G5 Sahel ne pouvait pas affronter seule la charge du combat contre le terrorisme et la stabilisation de la région ». Elle a demandé au Conseil de sécurité d’élargir le soutien logistique de l’ONU à cette force antidjihadiste lancée formellement depuis deux ans mais qui souffre toujours d’un manque d’équipement et d’une opérationnalisation incomplète.

« Risque sans précédent »

Les Etats-Unis, qui privilégient une approche bilatérale, refusent toute implication plus forte de l’ONU en soutien de cette unité multinationale de 5 000 militaires.

« L’assistance bilatérale est le meilleur moyen d’aider cette force », a répété l’ambassadeur américain adjoint, Jonathan Cohen. Il a précisé que l’aide américaine aux pays concernés s’élevait à 111 millions de dollars (99,3 millions d’euros).

Comme la France, le diplomate américain a reconnu que « les conditions de sécurité continuent de se détériorer » au Sahel et que « cette insécurité a une incidence sur l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest ». Mais il a critiqué dans le même temps les vélléités de certains au Conseil de sécurité à vouloir renforcer l’implication de l’ONU dans la région, y compris dans son soutien logistique qui devait à l’origine n’être qu’une « mesure temporaire ».

La dégradation de la situation « fait peser un risque sans précédent sur la stabilité de l’Afrique de l’Ouest tout entière », a estimé l’ambassadeur français, François Delattre, en appelant au contraire à « renforcer le soutien multilatéral » à la Force G5 Sahel « via l’octroi d’un mandat robuste » par l’ONU « et la mise en œuvre d’un paquet logistique ».

Partageant le constat d’une forte dégradation, l’ambassadeur russe adjoint Dmitri Polyanskiy a déclaré que la Russie n’était pas opposée à « un financement de la force conjointe provenant du budget ordinaire des Nations unies ».

Originally published on Le Monde


ENLEVEMENT DE TOURISTES FRANÇAIS AU BENIN : Le ver est-il dans le fruit ?

En milieu de semaine dernière, on signalait la disparition de deux touristes français et de leur guide local dans le parc de la Pendjari au Bénin, qui est l’un des trois parcs de l’ensemble WAP (W, Arly, Pendjari) et qui s’étend respectivement sur le Burkina Faso, le Niger et le Bénin. Trois jours plus tard, soit le 4 mai dernier, le corps sans vie du guide béninois était retrouvé sans que l’on ne sache où sont passés les touristes ; ce qui laisse penser à un enlèvement. Ce, après que leur véhicule a été retrouvé sans les occupants, quelques heures plus tôt. Alors, acte de grand banditisme ou action terroriste ? Bien malin qui saurait répondre à cette question. D’autant qu’à l’étape actuelle des investigations, et au moment où nous tracions ces lignes, l’acte n’était pas encore revendiqué.

Cette disparition de touristes étrangers sonne comme une alerte pour le pays de Patrice Talon

Toutefois, vu le modus operandi des ravisseurs, l’on est porté à privilégier la piste des « terroristes ». Et leur silence pourrait s’expliquer par la volonté de « sécuriser » dans un premier temps, les otages avant de donner éventuellement de la voix. Quoi qu’il en soit, le doute n’est plus permis que les deux ressortissants français sont entre les mains d’individus malveillants, qui n’ont visiblement pas hésité à se débarrasser d’un témoin gênant ou d’un otage encombrant comme c’est le cas du guide béninois froidement envoyé ad patres. C’est pourquoi l’on est porté à croire que la pieuvre terroriste a réussi à tisser sa toile jusque sur les bords du littoral. Car, de mémoire, et sauf erreur ou omission, cet enlèvement de touristes étrangers qui porte visiblement la griffe des terroristes, est une première au pays du Vaudou qui était jusque-là épargné par les fous d’Allah. Le ver est-il alors dans le fruit ou s’apprête-t-il à y entrer ? En tout cas, on se rappelle qu’au Burkina Faso voisin, la vague des attaques terroristes qui secouent le pays depuis bientôt trois ans, avait été précédée d’enlèvements d’étrangers, notamment celui d’un ressortissant roumain à Tambao et celui du Docteur Elliott dont on reste sans nouvelles jusqu’à ce jour, ainsi que de sa femme qui a été libérée par la suite. Est-ce donc au tour du Bénin de tomber dans l’œil du cyclone des djihadistes ?  Quoi qu’il en soit, l’enlèvement de touristes étrangers n’a jamais été une bonne publicité pour le pays hôte. C’est pourquoi le président Patrice Talon a du souci à se faire ; lui qui est accusé par nombre de ses compatriotes d’être à l’origine de la crise politique qui secoue son pays, suite au scrutin législatif fort contesté du 30 avril dernier, qui a vu la mise à l’écart de l’opposition et fait basculer le pays dans la violence. Or, on le sait, les terroristes n’attendent toujours que les moments de faiblesse des Etats pour mieux se signaler. Et l’on ne peut pas dire qu’au Bénin, c’est actuellement l’union sacrée entre les fils et les filles du pays qui se regardent en chiens de faïence suite à ces législatives de la division, qui ont laissé sept morts sur le carreau, avec de nombreux dégâts matériels. C’est en cela que les chefs d’Etat de la sous-région gagneraient à voler au secours de Boni Yayi qui demande leur soutien. En tout cas, il appartient aux Béninois de ne pas prêter le flanc et de se ressaisir pour ne pas laisser leur pays à la merci de ces hommes sans foi ni loi, qui prétendent combattre au nom d’Allah.  En tout état de cause, cette disparition de touristes étrangers sonne comme une alerte pour le pays de Patrice Talon et un appel à plus de vigilance pour les autres pays voisins du Burkina.

La menace n’est plus théorique, mais bien réelle

Car, elle vient rappeler la précarité d’une situation sécuritaire qui ne cesse de se dégrader dans la sous-région en proie à la recrudescence des attaques terroristes depuis le déclenchement de la crise libyenne et l’assassinat du Guide de la Jamahiriya libyenne. Elle vient surtout rappeler la nécessité, pour nos pays, de mutualiser leurs efforts dans la lutte contre un ennemi qui a une grande capacité de mobilité, et qui profite souvent de la porosité des frontières pour poser des actes de nuisance et disparaître ensuite dans la nature. Et il ne faut pas attendre d’être frappé pour en prendre conscience. Car, tout porte à croire que ce ne sont pas uniquement les pays du Sahel qui sont dans le collimateur des terroristes. Désormais, tous les pays de la sous-région doivent se sentir concernés et garder l’arme au pied. Ils doivent d’autant plus le faire que la nébuleuse est connue pour sa forte capacité de métastase et peut déployer ses tentacules jusque dans des contrées insoupçonnées. C’est dire si aucun pays n’est aujourd’hui à l’abri du terrorisme. Et rien ne dit qu’il n’y a pas déjà des cellules dormantes qui n’attendent que le moment opportun pour passer à l’acte. En tout cas, avec l’opération Otapuanu lancée en mars dernier par les Forces de défense et de sécurité burkinabè à l’Est du pays contre les forces du mal, l’on pouvait s’attendre à des répercussions dans les pays voisins à qui il revenait de prendre des mesures préventives, dès lors qu’ils avaient été avertis par les autorités burkinabè. Et l’interception d’une vingtaine de ces têtes brûlées par les forces de sécurité togolaises, n’est certainement pas le fait du hasard. C’est dire si la menace n’est plus théorique, mais bien réelle pour ces pays ; d’où la nécessité de relever le niveau de vigilance et de prendre des mesures fortes. Il y va de la sécurité de ces Etats.

« Le Pays »