Les Archives du Sénégal : un siècle d’histoire(s) de l’Afrique

Questions à… Saliou M’Baye, premier directeur Africain des Archives du Sénégal et professeur d’histoire à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Les Archives du Sénégal ont fêté leur centenaire en 2013 : elles jouissent d’un statut particulier et comptent parmi les plus anciennes d’Afrique à tel point qu’on a pu parler de «Holy Mecca» archivistique. D’où viennent-elles et de quels fonds sont-elles exactement composées ?

Les Archives du Sénégal sont héritières du service des Archives de l’AOF, créé en juillet 1913 par le gouverneur général William Ponty pour être le réceptacle des documents produits et reçus par les services du gouvernement général dont le siège est à Dakar. L’AOF, créée en 1895, compte huit territoires, à savoir la Côte d’Ivoire, le Dahomey (actuel Bénin), la Guinée, la Haute-Volta (actuel Burkina Faso), la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le Soudan (actuel Mali). Il faut y ajouter le Togo de 1936 à 1946.

Les Archives du Sénégal comprennent principalement trois fonds : le fonds des Archives du Sénégal colonial (1816-1958) qui a suivi le transfert de la capitale du Sénégal de Saint-Louis à Dakar en 1958, le fonds de l’AOF (1895-1959), le fonds du Sénégal moderne (depuis 1958). Il faut y ajouter le fonds de l’éphémère Fédération du Mali qui a regroupé le Sénégal et le Soudan (1959-1960). Il s’agit de trois fonds clos et d’un fonds ouvert qui s’accroît à un rythme tel que les locaux destinés à sa conservation sont arrivés à saturation. Les Archives du Sénégal disposent également d’une Bibliothèque administrative et historique dont l’embryon est constitué par la Bibliothèque du gouvernement général de l’AOF. Le tout représente environ 13 à 14 km de métrage linéaire.

Les Archives du Sénégal comptent parmi les documents les plus anciens conservés en Afrique de l’Ouest. Elles attirent énormément de chercheurs venus du monde entier parce qu’elles ont été répertoriées et sont accessibles.

Pourquoi feu Enwere, archiviste national du Nigeria a pu, en parlant des Archives du Sénégal, les présenter comme la « Holy Mecca » des archivistes francophones d’Afrique ? C’est certainement pour plusieurs raisons. La France, contrairement à ce qu’elle a fait ailleurs, notamment en Indochine, à Madagascar ou à Brazzaville au moment des indépendances, a laissé à Dakar le fonds de l’AOF dans son intégralité. C’est l’une des « des exceptions sénégalaises », le pays en comptant bien d’autres. En outre, le fonds est riche et concerne tous les territoires constitutifs du groupe de l’AOF qui y trouvent une bonne part des sources de leur histoire. Enfin, Dakar abrite l’Ecole de Bibliothécaires, Archivistes, Documentalistes (EBAD) qui, jusqu’à récemment, a assuré la formation de la grande majorité des archivistes africains francophones qui ont été tous instruits à la pratique archivistique aux Archives du Sénégal.

Au lendemain des indépendances, que représentent les Archives nationales pour Léopold Sedar Senghor, homme de lettres et chef d’Etat ?

Le poète-président Léopold Sédar Senghor est un homme qui, en toutes choses, prônait « L’organisation et la Méthode ». C’est pourquoi, il a pu mener de pair sa vie d’intellectuel ouvert aux choses de l’esprit et celle d’un homme d’Etat averti et actif. Il porta un intérêt constant aux Archives..

En tant qu’intellectuel, il entretenait un commerce presque quotidien avec l’Archiviste national et avec les Archives. Il prenait la précaution d’interroger dès qu’une question faisait polémique et tenait largement compte de l’avis qui lui était donné. A chaque fois qu’il revenait d’un voyage officiel, il prenait soin de donner aux Archives les documents et livres qui lui avaient été offerts durant son séjour. Cependant, il n’hésitait pas chaque fois que de besoin, à les emprunter pour consultation et à les rendre en respectant scrupuleusement les conditions du prêt. Il a aidé les Archives à acquérir des documents précieux et hors de portée du budget de l’institution, dès lors qu’ils étaient susceptibles d’enrichir le fonds. Il entretenait des relations personnelles avec beaucoup de chercheurs. Il aimait les Archives et honorait les archivistes.

Le président Senghor avait l’ambition de construire un Etat moderne, convaincu qu’il était qu’aucun pays ne peut se développer durablement, s’il n’est pas fondé sur une bonne administration. En cela, les Archives constituaient une des pièces maîtresses de l’architecture administrative.

Il veillait personnellement à ce qu’elles fussent bien tenues et par du personnel de qualité. Il veillait à leur conservation et à leur valorisation particulièrement après la visite qu’il fit aux Archives en 1963, service directement rattaché à la présidence de la République. Il a personnellement défendu auprès de ses pairs africains l’impérieuse nécessité de maintenir le fonds de l’AOF dans son intégralité à Dakar. Il versait à la fin de chaque année les dossiers ayant perdu de leur valeur courante et administrative en ayant pris soin de les accompagner du bordereau de versement et de l’index des noms des personnes avec lesquelles il a entretenu de correspondances. Il savait utiliser les archives pour étayer les droits du Sénégal, notamment à l’occasion de revendications relatives au tracé des frontières. Il incarnait en cela une grande modernité.

Vous avez été le premier directeur sénégalais, formé à l’Ecole des Chartes, de 1977 à 2005 : quels ont été les principaux enjeux auxquels vous avez été confronté ?

Certes, nous étions jeune mais nous avions la chance de bénéficier du soutien à la fois de autorités et de notre personnel dévoué et engagé. Les chercheurs, d’emblée, nous ont adopté. Dès lors, il devenait aisé de dérouler la politique que nous entendions mener. Il fallait faire élever le service au rang de Direction nationale. Le président Senghor répondit favorablement à notre requête Il était nécessaire d’étoffer le personnel. Il nous fut donné la possibilité de faire recruter chaque année, l’ensemble des étudiants archivistes sénégalais diplômés de l’EBAD. Nous les gardions pendant une année aux Archives où nous les faisions travailler au classement d’un fonds, sous l’encadrement d’archivistes expérimentés avant de les mettre à la tête de services d’archives soit au sein des ministères, soit dans les régions. C’est la naissance et le développement d’une archivistique sénégalaise faite par des archivistes formés au même moule et ayant une unicité de méthodes au respect de laquelle veillait scrupuleusement une cellule d’étude et de suivi installée à la Direction des Archives à Dakar.

Il fallait créer une unité de reliure et de restauration. La France nous apporta sa coopération ; un service éducatif et de l‘iconographie orienté vers le public scolaire fut créé. Il fallait mettre la législation au goût du jour : le texte qui régissait les Archives datait de 1953 ; une loi fut adoptée en 1981.Il fallait participer à la formation des étudiants. Il nous fut demandé de dispenser des cours à l’EBAD et au Département d’Histoire de l’Université de Dakar. Nous prenions également part aux débats en publiant des livres et articles dans des revues spécialisées.

Enfin, le Sénégal se devait d’être présent au plan international. Les collègues nous ont élu en 1977 à la tête de la WARBICA, la Branche qui regroupe les archivistes de l’Afrique de l’Ouest qui venait de naître et par voie de conséquence nous devenions membre « ex officio » du Comité exécutif du Conseil International des Archives (CIA/ICA) avant d’en devenir membre élu à partir de 1984.

La coopération fut entretenue et développée avec la France qui nous apportait son concours dans tous les domaines, particulièrement dans celui de la formation en accueillant généreusement, chaque année, deux archivistes sénégalais au Stage technique International des Archives (STIA), à Paris. Nous avons organisé de nombreux séminaires et colloques avec le soutien des autorités nationales et l’appui de pays amis et d’organisations internationales.

Un grand regret : nous n’avons pas réussi à faire construire la Maison des Archives qui demeure le concentré des problèmes des Archives du Sénégal.

 

Cet entretien a été originellement publié sur Africa4.

Student evaluations of teaching: no measure for the TEF

The National Student Survey, one of the pillars of the TEF, is more likely to measure enjoyment than learning, says Wolfgang Stroebe.

The UK government’s recent confirmation that the National Student Survey will be part of the teaching excellence framework has made even more urgent the question of whether satisfaction surveys are a reliable measure of teaching quality. My recent scrutiny of the evidence from the US suggests that they are not.

Customer satisfaction surveys are, of course, commonplace in the commercial world. But surprisingly enough, higher education was probably the first sector to adopt them. Student evaluation of teaching (SET) was developed in the 1920s by two US psychologists, Herman Remmers and Edwin Guthrie, and used at their respective institutions, Purdue University and the University of Washington.

Originally, the evaluations were intended only to help instructors improve their teaching. But they were soon adopted by department chairs and faculty deans to help them make important personnel decisions, such as hiring, salary increases and promotions. By now, these ratings have become standard procedure in colleges and universities in the US, as well as in Europe, and are seen as the single most important indicator of teacher effectiveness.

There is one important difference between customer evaluations of commercial and educational service providers. Whereas with commercial providers ratings are unilateral, ratings are mutual in the education system. As well as students evaluating their teachers, instructors evaluate their students – such as by their exam performance. In US studies, these ratings have been found to be positively correlated: students who receive better grades also give more positive evaluations of their instructors. Furthermore, courses whose students earn higher grade point averages also receive more positive average ratings.

Proponents of SETs interpret these correlations as an indication of the validity of these evaluations as a measure of teacher effectiveness: students, they argue, learn more in courses that are taught well – therefore, they receive better grades. But critics argue that SETs assess students’ enjoyment of a course, which does not necessarily reflect the quality of teaching or their acquisition of knowledge. Many students would like to get good grades without having to invest too much time (because that would conflict with their social life or their ability to hold down part-time jobs). Therefore, instructors who require their students to attend classes and do a lot of demanding coursework are at risk of receiving poor ratings. And since poor teaching ratings could have damaging effects at their next salary review, instructors might decide to lower their course requirements and grade leniently. Thus, paradoxically, they become less effective teachers in order to achieve better teaching ratings.

There is empirical evidence for the assumption that giving good grades for little work is an effective strategy for achieving good teaching ratings. Studies that added a question about teaching leniency to the SET found that instructors who were perceived as lenient graders received more positive ratings. Further evidence comes from an analysis of student ratings of nearly 7,000 professors from 369 institutions in the US and Canada on the RateMyProfessors.com website. One of the rating dimensions is “easiness”, defined as the possibility of getting an “A” without much work. The quality of a course is reflected by the combined ratings of a teacher’s helpfulness and clarity of delivery. Researchers found that ratings of the quality of a course highly correlated with the “easiness” ratings. Again, this suggests that teaching ratings reflect course enjoyment rather than course learning.

However, the most disturbing evidence comes from studies that assess students’ learning using the grades they achieved in a subsequent course that built on the knowledge acquired in the previous one. For example, one would expect students who worked hard and learned a great deal in “introductory statistics” to do better in “advanced statistics” than students who worked less hard. Therefore, if SETs measure teaching effectiveness, students of a highly rated introductory course should receive better grades in an advanced course than students of a poorly rated introductory course. Based on this logic, several studies have analysed the association between student ratings of introductory courses with the grades they receive in subsequent courses. The surprising finding is that students of highly rated introductory courses actually do less well in subsequent courses than students from lower-rated courses.

These findings are difficult to reconcile with the assumption that SETs measure teaching effectiveness.

As the authors of one of these studies – conducted at a European university – conclude: “A more appropriate interpretation is based on the view that good teachers are those who require their students to exert effort.” The problem, according to the paper “Evaluating students’ evaluations of professors”, published in 2014 in Economics of Education Review, is that “students dislike it, especially the less able ones”. As a result, these teachers receive poorer evaluations.

Because student ratings appear to reflect their enjoyment of a course and because teacher strategies that result in knowledge acquisition (such as requiring demanding homework and regular course attendance) decrease students’ course enjoyment, SETs are at best a biased measure of teacher effectiveness. Adopting them as one of the central planks of an exercise purporting to assess teaching excellence and dictating universities’ ability to raise tuition fees seems misguided at best.

Wolfgang Stroebe is a visiting professor in the Faculty of Behavioural and Social Sciences at the University of Groningen, the Netherlands. His paper “Why good teaching evaluations may reward bad teaching” will be published in the journal Perspectives on Psychological Science.

This article was originally published on Times Higher Education’s blog.