Francophonie: Hollande reconnaît les crimes commis par la France en 1947

Pour plus d’infos : http://www.rfi.fr/afrique/20161127-madagascar-hollande-sommet-francophonie-france-coloniale-crimes-independance?utm_source=Revue+presse+du+28+novembre+2016&utm_campaign=DMR+-+FR+-+11%2F28%2F2016&utm_medium=email

Madagascar a accueilli, cette année, le sommet de la Francophonie ; la participation de François Hollande marque aussi la première visite du président français dans la Grande Île. Outre son discours à la tribune, samedi 26 novembre, le chef de l’Etat français a aussi reconnu les crimes commis par la France coloniale en 1947. Il s’agit bien là d’une reconnaissance de ces crimes mais pas des excuses officielles de la France.

Moment de recueillement au lac d’Anosy au cœur d’Antananarivo où se trouve le monument aux morts des tirailleurs malgaches. C’est la première fois qu’un président français vient s’y recueillir. Dépôt de gerbes, les hymnes – la Marseillaise puis l’hymne de Madagascar – sont joués.

François Hollande a rappelé l’histoire des combattants malgaches, morts pour la France, lors de la Première Guerre mondiale puis la Seconde, mais ce n’est pas tout. En 1947, le Mouvement pour l’indépendance de Madagascar fut brutalement réprimé par la France : « C’est bien parce qu’il y avait eu cet engagement des Malgaches pour la France mais aussi pour la liberté, que beaucoup, après la Seconde guerre mondiale, ont commencé à songer à l’indépendance, à cette aspiration qui montait du peuple. Ce mouvement a soulevé l’île tout entière en 1947 et elle fut brutalement réprimée par la France », a donc déclaré François Hollande avant de rendre hommage aux victimes du massacre de 1947.

« Je rends hommage à toutes les victimes de ces événements, aux milliers de morts et à tous les militants de l’indépendance qui ont alors été arrêtés et condamnés pour leurs idées » a-t-il poursuivi.

Reconnaissance oui, repentance non

Le président français reconnaît les crimes de la France coloniale à Madagascar mais il ne reconnaît que des milliers de morts là où beaucoup d’historiens parlent de plusieurs dizaines de milliers de morts. Par ailleurs, François Hollande ne demande pas pardon au nom de la France.

Depuis son arrivée au pouvoir, il y a près de cinq ans, le chef de l’Etat français a rendu hommage aux victimes de plusieurs crimes coloniaux. Ce fut le cas pour le massacre de Thiaroye en 1944 au Sénégal. Il l’a également fait pour la terrible répression des UPCistes avant et après l’indépendance du Cameroun. Aujourd’hui, ce sont les tueries à Madagascar en 1947, sans parler aussi de la chasse à l’homme contre les indépendantistes algériens le 17 octobre 1961 à Paris.

François Hollande a rendu hommage aux victimes de tous ces crimes coloniaux mais jamais le chef de l’Etat français n’est allé jusqu’à présenter des excuses au nom de son pays. Reconnaissance oui, repentance non.

Le nationalisme banal de la France d’Astérix

Par VINCENT HIRIBARREN

Ce blog a été publié sur http://libeafrica4.blogs.liberation.fr/2016/11/23/le-nationalisme-banal-de-la-france-dasterix/


Le 28 août 2016, François Fillon candidat à la primaire des Républicains a suggéré que la colonisation française en Amérique, en Afrique et en Asie revenait à un « partage de culture ». Évidemment, il s’agissait de se dédouaner de toute responsabilité et de n’afficher aucune culpabilité. Encore une fois le discours contre la repentance. Vu, entendu, lu et relu.


Ressorti à l’occasion de la victoire surprise de Fillon au premier tour de la primaire, ce discours a connu son flot de dénonciations légitimes. La liste pourrait être (très) longue mais Fillon ne s’embarrasse pas de la question de l’esclavage, de la conquête militaire des colonies, du travail forcé, de la conscription, des guerres de décolonisation… Quiconque ouvrirait un livre d’histoire ou se rendrait dans une ancienne colonie française verrait bien les effets actuels de ce « partage ». Il est certain que les descendants des colonisés mais aussi les Guyanais, Martiniquais, Guadeloupéens, Canaques et toute la diaspora issue de l’ancien empire colonial en France apprécieront.

On pourrait montrer que la colonisation n’était vraiment pas un partage de culture avec une simple analyse des chiffres de scolarisation dans les colonies. On pourrait aussi constater que l’image véhiculée par Fillon reprend un discours particulièrement développé après la 2e guerre mondiale par les Européens afin de justifier leurs investissements massifs dans l’empire colonial. La mémoire de cette période coloniale tardive a ainsi tendance à occulter tout le reste de la période coloniale.

Seulement la question n’est pas là. Fillon n’est pas étudiant en fac d’histoire et n’a pas de partiel à rédiger sur les conséquences humaines, environnementales, économiques, sociales et culturelles de la période coloniale française. Fillon est un politicien qui tire sur la corde du nationalisme français la plus éculée. Cette vision aussi vague qu’erronée du colonialisme français est un simple instrument visant à s’attirer les votes d’un électorat désireux de ne pas ternir l’image d’une certaine France.

Tout argument basé sur des faits historiques ne peut pas convaincre quand un certain sentiment national français, lui, rapporte des voix. Certains candidats de la droite conservatrice voire extrême retireront même un certain plaisir à voir des associations, des historiens, des journalistes et des politiciens souligner l’incohérence de ce type de discours. Après tout, ceux qui votent aujourd’hui ne vivent plus dans cet empire colonial. En bref, tout contradicteur perd son temps et toute polémique bénéficie même à celui qui la déclenche.

C’est pourquoi, la campagne présidentielle qui s’annonce va sans doute aucun connaître d’autres élans nationalistes comme celui de Fillon. La France d’Astérix a grand besoin de ce genre de débats faussement historiques et réellement politiques. La verve nationaliste a largement plus de poids qu’une discussion historique posée tant ce nationalisme sert à occuper le champ politique dans l’espace mais aussi le temps. L’ancien ministre de l’éducation qu’est Fillon le sait sûrement et il compte dessus.

Et pour cause. Les politiciens ne sont pas les seuls à verser dans ce grand récit/roman national. Les historiens ont eux aussi leur part de responsabilité. Que ce soit Fernand Braudel avec L’identité de la France ou Pierre Nora et ses Lieux de Mémoire, le cadre mental d’un citoyen français s’inscrit, pour certains auteurs, forcément dans un territoire français bien défini. D’autres historiens ont pourtant travaillé à examiner cette histoire postcoloniale et les 30 dernières années ont connu un renouveau sur les conséquences de la colonisation que ce soit dans les anciennes colonies ou en métropole. Ces derniers auteurs peinent pourtant à être entendus.

Dans cette France rêvée, tout revient à ce nationalisme banal théorisé par l’historien Michael Billig. Ce n’est plus le nationalisme sanguinaire ou dévoyé de la première moitié du XXe siècle et de Vichy en particulier. Il s’agit plutôt d’un nationalisme de tous les jours où toute occasion est bonne pour afficher des drapeaux, chanter la Marseillaise ou enchainer les cérémonies de commémoration. Le « partage des cultures » de Fillon s’inscrit largement dans cette tendance qui transforme un discours pseudo-historique en un simple message subliminal sur la grandeur de la France. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?