Macron ouvre une première discussion avec les diasporas africaines

Emmanuel Macron a réitéré sa volonté d’ouvrir « une nouvelle page » dans la relation entre la France et l’Afrique lors de l’échange avec un public de près de 400 personnes.

A écouter les discussions des invités pénétrant la cour d’honneur, observer leurs visages fiers et les tenues parfois trop apprêtées pour l’occasion, il régnait, jeudi 11 juillet, une atmosphère d’aboutissement à l’Elysée, le sentiment qu’un moment longuement attendu était enfin arrivé. Pour la première fois, après quatre siècles d’une histoire franco-africaine écrite le plus souvent au profit d’une seule partie, les diasporas africaines étaient reçues à la présidence française pour un échange avec le chef de l’Etat.

Epaulé par un président du Ghana rendu populaire par ses discours volontaristes – cette fois, Nana Akufo-Addo a prié l’assistance d’oublier une fois pour toute la venue du père Noël pour développer le continent –, Emmanuel Macron a réitéré sa volonté d’ouvrir « une nouvelle page » dans la relation entre la France et l’Afrique. Lors des deux heures d’échange avec un public de près de 400 personnes, dans lequel se mêlaient notamment figures connues, entrepreneurs et étudiants, le président a jugé que pour la progression des pays africains, « les diasporas ont un rôle essentiel. Elles connaissent les codes, les accès. Elles sont nos meilleurs ambassadeurs pour dire comment la France, l’Europe et l’Afrique peuvent mieux travailler ensemble ».

La place des diasporas dans la société

Les ressortissants africains installés en France, leurs enfants, les binationaux jouent déjà bien souvent ce rôle de passerelle entre les deux continents. Mais, pour cette première réception à l’Elysée, derrière les propos incitatifs et valorisants des deux présidents, planait en permanence la question de la place laissée à ces diasporas dans la société française. Interpellé à plusieurs reprises sur les problèmes de visibilité et d’opportunités offertes, Emmanuel Macron a expliqué qu’il croyait davantage en la promotion de personnalités modèles qui permettent de « casser les barrières », telle la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye, que dans « la discrimination positive » synonyme de quotas.

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Sent by Edouard Bustin

Cinq ans après, une radioscopie du G5 Sahel

INTRODUCTION

Le G5 Sahel est, aujourd’hui, à la croisée des chemins. Créé en février 2014, il fêtera ses cinq ans d’existence en février 2019 à l’occasion du Sommet de Ouagadougou qui verra la présidence tournante de l’organisation échoir au Burkina Faso, dernier des cinq pays membres à ne pas avoir encore assumé cette responsabilité. S’ouvrira alors une année charnière pour la jeune organisation régionale, une année de réformes profondes déterminante pour son avenir.

Dans un contexte stratégique alors en pleine mutation avec l’intervention militaire française au Mali et le lancement de plusieurs Stratégies Sahel des principaux bailleurs de fonds des pays du Sahel, les chefs d’État sahéliens décidèrent de fonder le G5 Sahel sur deux piliers principaux, la sécurité et le développement. Contrairement à une idée répandue depuis le lancement médiatique de la Force Conjointe du G5 Sahel, la priorité était mise sur le développement et s’inscrit dans la continuité de la visite conjointe au Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad), en novembre 2013, du Secrétaire général des Nations unies avec les représentants de la Banque Mondiale (BM), Banque Africaine de développement (BAD), de la Commission de l’Union Africaine (UA) et de l’Union Européenne (UE), au cours de laquelle de nombreuses annonces de contributions financières à destination de la région furent prononcées.

Le G5 Sahel a réussi à s’imposer progressivement dans un environnement institutionnel dense, grâce à un Secrétariat permanent léger, à un processus décisionnel raccourci et à une forte implication personnelle des chefs d’État. Néanmoins, l’approche originelle a montré à plusieurs reprises ses limites. Si la pratique est venue combler certaines carences fonctionnelles, le G5 Sahel sera jugé, in fine, sur sa capacité à opérationnaliser un nexus sécurité – développement, idolâtré par les bailleurs extérieurs depuis presque une décennie, et sur sa capacité à faire converger les politiques de développement et les actions que mènent les acteurs de la sécurité dans la région.

Au cours des dernières décennies, les concepts de développement et de sécurité se sont progressivement rapprochés, jusqu’à former ce mystérieux nexus sécurité-développement, au cœur de la doctrine du G5 Sahel. L’avènement de ce concept est contemporain de l’évolution de la notion de sécurité. Jusque-là, les théories réalistes ont consacré une vision monopolistique de la sécurité, portée sur l’État et sa survie dans l’environnement anarchique qui l’entoure. Le champ des menaces à la sécurité s’est élargi pour dépasser la seule menace qu’un État fait peser sur un autre, si bien qu’aujourd’hui sont aussi pris en compte les répressions que les gouvernements peuvent conduire contre leurs propres citoyens, les risques climatiques ou encore les affrontements entre différents groupes humains. L’objet de la sécurité s’est déplacé de l’État vers l’individu.

Ce changement radical a ainsi contribué à l’émergence du concept de sécurité humaine qui englobe une multitude de facteurs à même d’influer sur l’épanouissement de l’individu, et posa, ainsi, les jalons d’un rapprochement avec le concept de développement, également en mutation. A ce titre, le Rapport mondial sur le Développement humain du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) de 1994 est illustratif et appelle à explorer « les nouvelles frontières de la sécurité humaine dans la vie quotidienne ». Il prône une nouvelle vision du développement avec la notion de développement humain durable qu’il définit comme étant « une forme de développement qui ne se contente pas d’engendrer la croissance économique, mais qui en répartit équitablement les fruits […] régénère l’environnement au lieu de le détruire […] place le pouvoir entre les mains des gens au lieu de les marginaliser […] qui donne la priorité aux pauvres, qui élargit leur liberté de choix et leur champ de possibilités, qui leur permet de participer aux décisions influant sur leur vie ».

La convergence des concepts de la sécurité et du développement et l’élargissement de leur définition respective ont permis l’élaboration de nouvelles politiques favorisant la recherche aussi bien de la sécurité physique et humaine que du développement économique, social et politique. Dès lors, l’étude s’attachera à analyser le rapprochement entre les politiques de développement et la gestion des conflits par les acteurs de la sécurité.

Les premières compréhensions de l’interaction entre les deux concepts se structurent autour de l’observation empirique selon laquelle les conflits violents impactent négativement le développement, mais aussi de l’hypothèse affirmant que le développement assèche les racines du recours à la violence. L’interaction reste limitée à l’impact que l’un peut avoir sur l’autre, chacun ayant sa propre temporalité.

Les spécificités du contexte sécuritaire sahélien, marqué par les menaces asymétriques des groupes jihadistes, tendent à superposer les temporalités, jusque-là distinctes, des politiques de développement et de la gestion des conflits violents. Le développement est appréhendé comme un outil de sécurité, à même de consolider l’action des acteurs de la sécurité. Par conséquent, la question de l’opérationnalisation du nexus sécurité – développement au Sahel devient omniprésente, l’enjeu étant de permettre aux acteurs du développement d’agir aux côtés des acteurs de la sécurité pendant le conflit et dans des zones à risques :

Comment permettre la mise en œuvre des projets d’infrastructures prioritaires dans des régions frappées par des groupes armés jihadistes qui s’opposent à la présence de l’État central et de ses partenaires ? Quel rôle le G5 Sahel et son Secrétariat permanent peuvent-il jouer ?

Nous verrons, dans un premier temps, l’impact de la saturation du SP‑G5S et de sa marginalisation du processus décisionnel sur l’efficacité de la mise en œuvre des projets placés sous la tutelle du G5 Sahel. Puis, nous aborderons les axes d’effort prioritaires pour la réforme à venir, qui font consensus parmi les praticiens, pour redynamiser l’institution. Après une analyse détaillée du fonctionnement des projets de l’Axe Défense et Sécurité du G5 Sahel, nous mettrons en avant le manque de coordination de ces derniers avec les autres actions du G5 Sahel et la nécessité de réviser sa stratégie pour prendre en compte la FC‑G5S, qui présente des opportunités prometteuses pour l’opérationnalisation du nexus sécurité – développement. Le besoin de réviser la SDS est double à l’orée du nouveau rôle que le SP‑G5S va devoir jouer dans le suivi des projets du PIP, désormais financés. Enfin, nous dresserons un état des lieux des cadres de coordination et de coopération qui gravitent autour des deux piliers du G5 Sahel, avant d’appeler à des interactions plus régulières et nombreuses entre ces mécanismes qui, à eux-seuls, ne pourront surmonter le cloisonnement entre sécurité et développement.

Nos analyses s’appuient sur des entretiens effectués avec des praticiens, africains et non africains, militaires ou civils, de la coopération régionale, qui se structure autour des activités du G5 Sahel, ainsi que sur une lecture attentive de la documentation institutionnelle disponible en source ouverte ou collectée au cours des entretiens.

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