Muriam Haleh Davis and Thomas Serres, eds. North Africa and the Making of Europe: Governance, Institutions and Culture (New Texts Out Now)

Muriam Haleh Davis and Thomas Serres, eds. North Africa and the Making of Europe: Governance, Institutions and Culture (London: Bloomsbury Academic, 2018).

Jadaliyya (J): What made you write this book?

Muriam Haleh Davis (MHD) and Thomas Serres (TS): We were motivated to edit this volume after spending the 2015-2016 academic year at the European University Institute (EUI) in Florence, which has a strong focus on European politics and integration. As North Africanists, we felt that it was important to think about Europe from its margins, particularly as pressing questions about the past and future of the European Union were being posed by politicians across the region. We therefore organized a series of conferences on “Europe Seen From North Africa,” which brought together scholars from North Africa, Europe, and the United States. The insights and questions raised during those conferences form the basis of this volume.


MHD and TS: 
This volume addresses current debates on the definition of European space as a cultural, economic, political, and geographical unit. While the European Union (EU) presents itself as an area of freedom, security and justice, the vision from the periphery is far less enchanted. Indeed, Europe seems to be facing two, interrelated crises: the rise of Islamophobia (and overt racism in general) as well as a pervasive disillusionment with the technocratic governance that gave rise to the European Union during the interwar period. We wanted to explore how both of these crises have common historical roots by exploring the ways in which a certain conception of Europe—as both a system of governance as well as a cultural identity—emerged out of an intimate relationship with North Africa.

J:  What particular topics, issues, and literatures does the book address?

At the same time, we wanted to go beyond the narrative of colonial legacies and investigate North Africa as a space where new conceptions of Europe are still emerging. The aftermath of the “Arab Spring” and the ongoing migration crisis have prompted new investigations of the Mediterranean space. In 2018, the Mediterranean region encourages exchange and cooperation as much as it fosters exclusion and competition. Consequently, our edited volume explores the construction of Europe as an ideological, political, and economic entity by looking at its past and present relationship with North Africa. In focusing on how European identity and institutions have been fashioned though various interactions with its southern periphery, this volume highlights the role played by Europeans in the Maghreb as well as by North African actors.

While there have been repeated attempts to analyze the continued relevance of the European Union in world affairs, we felt there were a few lacunae in the scholarship. We hope that focusing on North Africa not only provides us with a variety of political and economic contexts, but also decenters the prevailing perspective and offers a fresh optic for understanding the current challenges faced by the EU. We also sought to publish an interdisciplinary volume that would allow for historical analysis to be fruitfully put into conversation with contemporary politics, sociology, and international relations.

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Originally published on Jadaliyya

Le nationalisme banal de la France d’Astérix

Par VINCENT HIRIBARREN

Ce blog a été publié sur http://libeafrica4.blogs.liberation.fr/2016/11/23/le-nationalisme-banal-de-la-france-dasterix/


Le 28 août 2016, François Fillon candidat à la primaire des Républicains a suggéré que la colonisation française en Amérique, en Afrique et en Asie revenait à un « partage de culture ». Évidemment, il s’agissait de se dédouaner de toute responsabilité et de n’afficher aucune culpabilité. Encore une fois le discours contre la repentance. Vu, entendu, lu et relu.


Ressorti à l’occasion de la victoire surprise de Fillon au premier tour de la primaire, ce discours a connu son flot de dénonciations légitimes. La liste pourrait être (très) longue mais Fillon ne s’embarrasse pas de la question de l’esclavage, de la conquête militaire des colonies, du travail forcé, de la conscription, des guerres de décolonisation… Quiconque ouvrirait un livre d’histoire ou se rendrait dans une ancienne colonie française verrait bien les effets actuels de ce « partage ». Il est certain que les descendants des colonisés mais aussi les Guyanais, Martiniquais, Guadeloupéens, Canaques et toute la diaspora issue de l’ancien empire colonial en France apprécieront.

On pourrait montrer que la colonisation n’était vraiment pas un partage de culture avec une simple analyse des chiffres de scolarisation dans les colonies. On pourrait aussi constater que l’image véhiculée par Fillon reprend un discours particulièrement développé après la 2e guerre mondiale par les Européens afin de justifier leurs investissements massifs dans l’empire colonial. La mémoire de cette période coloniale tardive a ainsi tendance à occulter tout le reste de la période coloniale.

Seulement la question n’est pas là. Fillon n’est pas étudiant en fac d’histoire et n’a pas de partiel à rédiger sur les conséquences humaines, environnementales, économiques, sociales et culturelles de la période coloniale française. Fillon est un politicien qui tire sur la corde du nationalisme français la plus éculée. Cette vision aussi vague qu’erronée du colonialisme français est un simple instrument visant à s’attirer les votes d’un électorat désireux de ne pas ternir l’image d’une certaine France.

Tout argument basé sur des faits historiques ne peut pas convaincre quand un certain sentiment national français, lui, rapporte des voix. Certains candidats de la droite conservatrice voire extrême retireront même un certain plaisir à voir des associations, des historiens, des journalistes et des politiciens souligner l’incohérence de ce type de discours. Après tout, ceux qui votent aujourd’hui ne vivent plus dans cet empire colonial. En bref, tout contradicteur perd son temps et toute polémique bénéficie même à celui qui la déclenche.

C’est pourquoi, la campagne présidentielle qui s’annonce va sans doute aucun connaître d’autres élans nationalistes comme celui de Fillon. La France d’Astérix a grand besoin de ce genre de débats faussement historiques et réellement politiques. La verve nationaliste a largement plus de poids qu’une discussion historique posée tant ce nationalisme sert à occuper le champ politique dans l’espace mais aussi le temps. L’ancien ministre de l’éducation qu’est Fillon le sait sûrement et il compte dessus.

Et pour cause. Les politiciens ne sont pas les seuls à verser dans ce grand récit/roman national. Les historiens ont eux aussi leur part de responsabilité. Que ce soit Fernand Braudel avec L’identité de la France ou Pierre Nora et ses Lieux de Mémoire, le cadre mental d’un citoyen français s’inscrit, pour certains auteurs, forcément dans un territoire français bien défini. D’autres historiens ont pourtant travaillé à examiner cette histoire postcoloniale et les 30 dernières années ont connu un renouveau sur les conséquences de la colonisation que ce soit dans les anciennes colonies ou en métropole. Ces derniers auteurs peinent pourtant à être entendus.

Dans cette France rêvée, tout revient à ce nationalisme banal théorisé par l’historien Michael Billig. Ce n’est plus le nationalisme sanguinaire ou dévoyé de la première moitié du XXe siècle et de Vichy en particulier. Il s’agit plutôt d’un nationalisme de tous les jours où toute occasion est bonne pour afficher des drapeaux, chanter la Marseillaise ou enchainer les cérémonies de commémoration. Le « partage des cultures » de Fillon s’inscrit largement dans cette tendance qui transforme un discours pseudo-historique en un simple message subliminal sur la grandeur de la France. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?