Difficile affirmation homosexuelle en Algérie

Dans un pays marqué par les contraintes sociales et religieuses, ainsi que par une vision figée de la virilité, l’homosexualité masculine demeure clandestine et, en théorie, réprimée par la loi. L’ouverture sur le monde, notamment grâce à Internet et aux réseaux sociaux, permet néanmoins aux hommes concernés de vaincre l’obstacle du rejet de soi.

Dans les rues d’Oran, une voiture passe, vitres baissées, laissant entendre une chanson de raï à plein régime : « Tu m’aimes, OK bébé / Je fais semblant de te croire, habibi / Mon cœur me dit de t’aimer mais je te sais mauvais. »Pour le jeune conducteur, qui se dit hétérosexuel, l’orientation sexuelle de Cheikh Mamidou, qui transparaît à travers les paroles de ses chansons et son apparence physique, ne pose pas de problème. « Normal, dit-il. La musique est bonne, c’est la seule chose qui compte, non ? » Chacun sait que certains chanteurs ont des mœurs particulières, mais cela fait partie du folklore des cabarets, ces boîtes de raï réputées pour être des lieux où alcool, prostitution et homosexualité se côtoient, et qu’on tolère tant qu’elles restent en marge de la bonne société.

Tout le monde sait que l’homosexualité existe, mais les gays doivent rester cantonnés au milieu qu’on leur assigne, et on préfère éviter d’aborder le sujet. La société algérienne est fortement hétéronormative : la famille, l’école, la religion, la loi, autant d’institutions qui inculquent dès le berceau aux garçons et aux filles l’obligation de se conformer à la norme, le mariage et la procréation étant perçus comme l’aboutissement d’une vie adulte. L’homosexualité, quand elle est évoquée, est présentée comme une pathologie qui réclame les soins du psychiatre, ou de l’imam. Il arrive aussi que l’Occident soit montré du doigt comme cherchant à exporter une « identité gay » inconnue en Algérie, au risque d’attiser l’homophobie des autorités et des franges les plus conservatrices de la population. En juillet 2018, une partie de la presse arabophone dénonça ainsi le fait que l’ambassade du Royaume-Uni en Algérie avait hissé le drapeau LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et trans) pour célébrer l’organisation d’une marche des fiertés à Londres.

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En Algérie, les décideurs de l’ombre

Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a annoncé sa démission. Élu en 1999, il ne briguera donc pas un cinquième mandat, pas plus qu’il ne prolongera le quatrième qui aurait du se terminer le 28 avril prochain. Pour les Algériens qui manifestent en masse depuis le 22 février, c’est une première victoire. « Mais,soulignent Akram Belkaïd et Lakhdar Benchiba, les protestataires, qui défilent s’en prennent aussi à son entourage, notamment à ses deux frères, Saïd et Nacer Bouteflika. Ils exigent la fin du régime et l’avènement d’une deuxième république, certains réclamant une Assemblée constituante. »Alors que le pays s’engage dans une transition incertaine, la question de savoir qui décide vraiment à Alger reste posée.

Depuis le 22 février, l’Algérie connaît de façon répétée des manifestations populaires de grande ampleur contre le pouvoir. Le mouvement est historique : jamais, depuis l’indépendance en juillet 1962, le pays n’a été en proie à une telle contestation, à la fois pacifique et répartie sur l’ensemble du territoire, villes du Sud comprises.

Chaque vendredi, premier jour du week-end, des cortèges de centaines de milliers de personnes se forment dans les rues, réunissant toutes les classes d’âge, en particulier la jeunesse, qui, jusque-là, se désintéressait de la politique. Les autres jours, l’élan se maintient, avec des sit-in et des marches catégorielles (avocats, étudiants, universitaires, journalistes, retraités de la fonction publique, etc.). Le mot d’ordre, unanime, est d’abord le refus du maintien au pouvoir du président Abdelaziz Bouteflika, 82 ans, dont le quatrième mandat s’achève le 28 avril. Mais les protestataires, qui défilent aux cris de « Silmiya » (« [Manifestation] pacifique »), s’en prennent aussi à son entourage, notamment à ses deux frères, MM. Saïd et Nacer Bouteflika. Ils exigent la fin du régime et l’avènement d’une deuxième république, certains réclamant une Assemblée constituante. En face, les forces de l’ordre ont adopté durant les premières semaines une attitude conciliante, des policiers et des gendarmes allant jusqu’à fraterniser avec la foule.

Quant à M. Abdelaziz Bouteflika, il se tait. Impotent et aphasique, le locataire de la résidence d’État médicalisée de Zeralda ne s’est plus exprimé en public depuis 2014, et les confidences de plusieurs hauts responsables valident la thèse de son incapacité à diriger.

De retour de Suisse, où il s’était rendu début février pour des « examens de santé périodiques », il s’est tout de même adressé aux Algériens par le biais de lettres, s’engageant à ne pas briguer un cinquième mandat tout en annulant le scrutin présidentiel du 18 avril. Une annulation qui prolonge de facto, et pour une période indéterminée, son quatrième mandat, en (…)

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